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LA MÈRE DE DIEU.

Une des jeunes filles, grande et forte comme l’inconnue, se rendit à la fontaine avec deux seaux passés à une perche qu’elle portait sur l’épaule. Elle remplit ses seaux à plusieurs reprises et alla les vider dans une grande cuve, près de la porte. La vieille femme et les deux filles revinrent apportant toutes sortes d’ustensiles de cuisine en terre et en bois, qu’elles se mirent à nettoyer dans la grande cuve. Chaque fois que l’étrangère donnait un ordre, celle à qui il était adressé accourait rapidement, et se tenait en sa présence dans une attitude respectueuse, comme une esclave.

Sabadil s’approcha de la haie, la franchit, traversa la galerie sur la pointe des pieds, et se présenta devant l’étrangère, subitement. Les chiens se précipitèrent vers lui, avec des hurlements terribles. L’étrangère étendit la main en leur ordonnant de se taire. Ils se retirèrent en grognant et en montrant leurs crocs aigus.

« Qui cherches-tu ici ? demanda l’étrangère sans s’émouvoir et arrêtant sur lui un regard sévère.

— Toi.

— Moi ?… Et que me veux-tu ?

— Dieu le sait. Moi-même je l’ignore. »

Sabadil resta debout devant elle, la dévorant des yeux. L’étrangère n’avait fait aucun mouvement. Elle tenait ses mains jointes sur ses genoux, comme en prière.

« Tu es bien matinale ! continua-t-il.

— Oui, reprit-elle d’un ton ferme. Chez nous, c’est l’usage de terminer tous les travaux du ménage avant le lever du soleil.