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LA MÈRE DE DIEU.

pour les entendre, mais dans l’espoir d’y rencontrer de nouveau l’inconnue. Il y alla fréquemment. Il ne la rencontra nulle part.

Il se mit alors à errer dans les bois, chaque jour, durant plusieurs heures. Une fois, il pénétra si avant dans le fourré, qu’il aperçut, par une éclaircie, la croix dorée et le toit de briques rouges de l’église de Fargowiza-polna, qui luisaient au soleil. De grands tilleuls ombrageaient l’enceinte sacrée. Il marcha encore plus avant jusqu’à la lisière de la forêt. Le village s’étendait à quelque distance. Un peu à l’écart, Sabadil remarqua une vaste métairie. Elle était entourée d’une forte haie, très haute. Mais Sabadil, de la colline où il se trouvait, pouvait voir les dispositions du bâtiment. Il se composait d’une belle maison d’habitation, construite en bois, passée à la chaux et recouverte de lattes neuves, une grande galerie en ornait le fronton. Une galerie à colonnes, cachée à demi par des rosiers grimpants dont les touffes et les festons avaient un charmant aspect.

Celle que Sabadil cherchait demeurait ici. Personne ne le lui avait dit ; mais il le savait, il le sentait au trouble indescriptible qui se saisit de lui tout à coup. Il se jeta sur le gazon, à l’ombre d’un noisetier, et regarda dans la cour, dans le jardin, aux fenêtres de la métairie. Il croyait à chaque instant voir la porte s’ouvrir pour livrer passage à l’inconnue. Il ne voyait rien. Et il ne se lassait pas de regarder.

Le soleil se coucha. Les petits nuages blancs qui flottaient à l’horizon se dorèrent subitement. Et les oiseaux se mirent à chanter dans les ombrages.