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LA MERE DE DIEU.

restait simple, naturelle, froide et majestueuse.

Ce maintien ravit Sabadil, et fit grandir peu à peu son enthousiasme ; ses yeux brillaient, sa bouche s’entr’ouvrait, découvrant ses dents blanches, comme s’il avait eu besoin de respirer longuement.

Ils atteignirent un gros chêne, près duquel était dressée une croix taillée à coups de hache. La jeune fille s’arrêta.

« Dieu te conduise, dit-elle. Mon chemin va de ce côté. Où vas-tu, toi ?

— Tu ne veux pas que je t’accompagne ? demanda Sabadil.

— Non.

— Alors, dis-moi d’où tu es. »

Elle se tut.

« Es-tu de Brebaki ? »

Elle ne fit aucun mouvement. Ses lèvres ne laissèrent pas échapper un son.

« Te reverrai-je ? continua Sabadil.

— Si Dieu le permet, répondit-elle en le perçant d’un regard froid qui l’intimida.

— Dis-moi où je puis te voir, insista Sabadil.

— Je ne te chercherai pas.

— Mais moi, je te chercherai.

— Ne fais pas cela ; dans ton intérêt, ne le fais pas, dit-elle avec une sereine majesté.

— Crois-tu me faire peur ? s’écria-t-il d’un ton arrogant. Je ne crains rien, moi, entends-tu ?

— Tu ne me connais pas ! interrompit-elle, la lèvre dédaigneusement retroussée ; sans cela, tu… »

Elle n’acheva pas.