Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
LA MÈRE DE DIEU.

L’étrangère vit qu’il avait le pied petit et bien fait dans son élégante chaussure. Il lui tendit la main pour l’aider à passer l’eau. Elle ne le remercia pas. Cela allait sans dire qu’il était fait pour obéir, et elle pour lui donner des ordres. Du reste, on voyait qu’elle avait l’habitude de commander.

« Comme tu as le cou blanc ! s’écria tout à coup Sabadil, qui suivait la jeune fille à quelque distance. On voit bien que tu ne vas pas aux champs et que tu ne travailles pas au soleil. »

Il fit un mouvement pour la toucher, mais elle l’évita, et un rang de son collier de corail resta aux doigts de Sabadil. Les grains rouges roulèrent dans la mousse.

« Allons ! ramasse-les-moi à présent », dit la jeune fille, toujours grave, presque suppliante.

Sabadil s’agenouilla dans la fougère et rassembla les coraux épars sous les feuilles. Elle se tenait devant lui, la main tendue. Puis ils reprirent leur route. Elle le priait tantôt d’écarter les branches qui la gênaient dans son passage, tantôt de lui apporter les baies de quelque buisson éloigné. Sabadil, le fier Sabadil, lui obéissait sans même qu’elle lui donnât d’ordre. Un mot, un signe, un regard lui suffisaient. Il agissait comme sous la domination d’un rêve. L’étrangère l’étonnait de plus en plus par son maintien digne et grave. Ordinairement, n’est-ce pas ? une jeune fille rit à tout propos lorsqu’elle discourt avec un homme, ou bien elle rougit, elle cache son visage, elle est gauche.

L’étrangère, elle, n’avait rien de tout cela. Elle