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LA MÈRE DE DIEU.

dans un bosquet de bouleaux dont les troncs luisants semblaient recouverts de satin blanc. À ses pieds, la mousse étincelait comme semée d’étincelles d’or. Sabadil suivit le ruisseau tout pensif. De petits poissons se tenaient immobiles, se chauffant au soleil, et, au-dessus, des libellules voltigeaient. Il y avait aussi des papillons qui humaient la fraîcheur, et des escargots qui rampaient lentement le long des tiges humides. Une forte odeur de vanille remplissait l’air.

Bientôt deux, trois ruisseaux se rejoignirent. La forêt s’éclaircit. Une sorte de petite vallée s’ouvrit entre les coteaux fleuris. Et tout à coup Sabadil remarqua une prairie blanche, complètement blanche, comme couverte de neige. Il demeura un instant très surpris.

Lorsqu’il s’en approcha, il vit que la vallée était entièrement tapissée de narcisses dont les pistils jaunes embaumaient l’air. Des abeilles et des guêpes y butinaient avec un bourdonnement sourd et continuel. Sabadil cueillit une branche d’arbre et s’assit à l’ombre d’un buisson d’églantiers pour se tailler un sifflet. Tandis qu’il y perçait des trous, les oiseaux se mirent à chanter autour de lui, comme s’ils n’eussent attendu que sa présence pour commencer leur concert. De son bec dur, le pic semblait battre la mesure, non pas cependant à la façon d’un chef d’orchestre, mais comme un musicien de village qui frappe de son coude la table mouillée d’eau-de-vie à la taverne. Des serins sautillaient dans la ramure, se suspendant à des branches flexibles qui pliaient ; des grives jetaient aux échos leur note stridente, et de loin en loin le