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PARMI LES TOMBES

Oui, mon ami, je le répète, je suis la favorite du roi, et il est de bon ton de m’adorer, de me permettre toutes mes fantaisies.

Sais-tu pourquoi ?

Parce que je suis de tout point l’idéal des hommes d’aujourd’hui.

Je crois que, eussé-je été laide, je n’en aurais pas moins réussi. Les hommes de notre temps apprécient fort peu la vertu, tandis que le vice les enchante.

Et, qui plus est, je suis au théâtre, actrice. Il est superflu de te dire qu’aujourd’hui pour une pièce nouvelle, une actrice dépense plus en toilette qu’elle ne gagne en une année. Avec quoi s’habillera-t-elle dans les autres rôles et de quoi vivra-t-elle ?

Une actrice qui n’a pas de protecteur ne peut pas faire son chemin au théâtre allemand, tel qu’il est de nos jours. La plupart du temps, par nature, elle préférerait un pauvre poëte ou un pauvre lieutenant aux princes et aux barons de la Bourse, mais le public la force à prendre un amoureux riche.

Demande-t-on à quelqu’un qui vient du théâtre : Comment a joué une telle ? Non, on lui demande : Quelle toilette avait-elle ?

Oui, mon ami, je me suis vendue ; mais il le