Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/737

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
327
OÙ NOTRE HÉROS FAIT HONNEUR À CE NOM

rault. Alors, bien malgré elle, elle éprouva quelque chose qu’elle n’avait plus éprouvé depuis des années et dans ce quelque chose se retrouvaient tout à coup la poésie et l’élan de ses années de jeune fille. De sorte que, lorsque Andor fut annoncé, elle eut de la peine à redevenir la femme mondaine, à reprendre sa figure toujours souriante et par cela seul toujours froide.

Il s’avança lentement, mais d’un pas sûr, ferme, et s’inclina avec cette dignité qui, lorsqu’elle est unie chez un homme à l’esprit, au mérite, plaît beaucoup plus aux femmes qu’une gracieuse légèreté. D’un œil calme, il regarda la jolie femme qui avait jadis régné en souveraine dans sa vie et l’avait quitté, trahi.

La générale s’était levée pour faire deux pas au-devant de lui et lui tendre sa main qu’il se contenta de toucher du bout des doigts. Elle l’invita ensuite à prendre place, lui sourit avec amabilité et se mit à parler, à parler vite, questionnant, questionnant sans jamais attendre la réponse. Bref, elle se conduisait comme quelqu’un qui se trouve très-embarrassé et qui a recours à tout son aplomb mondain pour cacher son embarras.

Andor n’avait pas essayé de placer une seule parole. Il eut ainsi le temps de maîtriser l’émotion qu’il avait ressentie en revoyant femme, et femme