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SI TU ES LE FILS DE DIEU, ETC.

Les deux amis marchèrent un certain temps côte à côte sans parler.

— Avec moi chaque manière de voir a sa valeur, dit tout à coup Plant s’arrêtant et appuyant le bout de sa canne contre l’écorce rugueuse d’un vieux marronnier, pourvu qu’elle ait sa raison d’être et, ce qui est capital à mes yeux, qu’elle mène au succès. Je cherche vainement ce que tu as obtenu par ta façon d’agir. Avec tout ton esprit, ton talent, tes connaissances, ton caractère, ton enthousiasme, que t’ont valu la lutte, l’activité ? à quoi es-tu arrivé ? ou, si cela te paraît méprisable de songer à soi, qu’as-tu fait pour les autres ? As-tu été de quelque utilité pour tes semblables, embelli leur vie ? de quel genre sont les avantages, les jouissances dont nous avons à te remercier ? ou encore as-tu amélioré le monde dans n’importe quel sens ?

— Il n’est pas donné à chacun d’obtenir de grands résultats ; c’est assez pour un homme de travailler honnêtement dans sa modeste vie.

— Alors, montre-moi de quelle utilité tu as été dans ta modeste vie ; où sont tes résultats ? Je veux voir des résultats, des résultats palpables ; après, je croirai en toi, en ta mission idéale.

Andor répliqua : — Mais le diable lui dit : Es-tu le fils de Dieu ? Parle à cette pierre et commande-lui de se changer en pain.