Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/660

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

taire d’un bois, il arriva à la reine de se retourner tout à coup sur la selle et de regarder si personne ne pouvait l’entendre.

L’écuyer était à une quarantaine de pas en arrière. Elle n’aperçut que les rayons du soleil se jouant à travers les branches des arbres, et une pie qui voletait lourdement de temps en temps et faisait entendre son caquet moqueur.

— Je suis résolue à entreprendre quelque chose de décisif, dit-elle à demi-voix, pendant qu’elle chassait avec sa houssine les grosses mouches incommodant le beau cheval qui la portait, et je veux me conquérir des alliés. Nous vivons dans un autre siècle que celui où les princesses hardies devaient s’assurer, avant tout, du concours de quelques officiers dévoués et de leurs soldats. Je n’ai pas besoin de baïonnettes, Hanna ; je suis fixée à cet égard. Tout ce qu’il me faut pour commencer, c’est un journal. Aujourd’hui un journal vaut tout autant que, le 7 décembre 1741, le régiment Préobraschenski. On doit sacrifier à l’esprit de son temps, si l’on veut réussir.

— Sa Majesté veut fonder un journal ? observa la générale fortement étonnée.

— À quoi bon ? fit la reine plissant dédaigneusement la lèvre inférieure. Avec de l’argent on peut tout avoir de nos jours. Je m’achèterai un