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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

femme en habit de velours noir se tenait devant son lit.

La figure de l’étranger dut exprimer une certaine frayeur, car la femme rit et se rapprocha pour l’agacer en lui touchant la joue avec les plumes de son éventail.

Alors l’Américain libre-penseur fit ce qu’avait fait le paysan sur le bord du lac ; il se signa. Mais le hardi fantôme ne parut pas s’en émouvoir le moins du monde. Un éclat de rire argentin se fit entendre, et la plus jolie figure de femme s’inclina vers la sienne. Rassemblant tout son courage, l’étranger, afin de se démontrer qu’il avait affaire à une apparition, voulut jeter ses deux bras autour du cou du joli spectre ; mais le spectre ne s’évanouit pas, ainsi qu’il s’y attendait, et, à sa grande surprise, il retint prisonnière une femme vivante, à l’haleine brûlante, à la gorge agitée.

Le jeune Américain n’était pas allé plus loin dans le récit de son aventure, qu’il avait fait à un bon ami, et naturellement sous le sceau du secret. Sans plus de respect pour ce secret qu’il n’en existe en Allemagne, l’ami répéta l’histoire, et ce fut ainsi que le roi put la redire à la reine à son petit lever.

La belle souveraine fronça les sourcils et s’efforça de rire.