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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

reçut ainsi la visite de son royal amant, qui était ce jour-là de très-belle humeur.

Le lendemain, Andor recevait de l’intendant un pli marqué du grand sceau connu.

On lui annonçait que toutes les difficultés étaient levées, que sa pièce allait être jouée, que tous les rôles étaient déjà distribués.

Jamais de sa vie Andor n’avait éprouvé une joie aussi grande, aussi complète que celle d’étudier « Messaline » avec Valéria. Le charme de ces heures de tête-à-tête, sans contrainte, était d’autant plus puissant qu’entre elle et lui il n’y avait pas encore d’autres relations.

Tous deux savaient qu’ils s’aimaient, mais ni l’un ni l’autre ne l’avait dit. Il leur semblait que les mots fussent trop grossiers pour exprimer leur amour ailé ; mais en lisant le rôle ensemble, il arriva que les boucles flottantes de Valéria touchèrent sa joue et le firent frissonner, que sa douce haleine l’enivra en l’effleurant, que sa main se posa sur la sienne lui faisant l’effet d’un fer rouge dans la neige.

Vint le jour où de grandes affiches collées au coin des rues annoncèrent la représentation de Messaline, tragédie en cinq actes, du docteur Andor. Puis, le soir, un public innombrable encombra le théâtre de la cour. Le roi siégeait de belle hu-