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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

clave de ma grandeur et de la puissance qui m’est dévolue.

La reine courba son front blanc et serra les lèvres si fortement que ses dents craquèrent légèrement les unes contre les autres. Sa main froide chercha la main chaude d’Hanna.

— Je n’aime pas le roi, continua-t-elle tout bas et d’une voix rauque. Vous savez peut-être qu’il va voir cette actrice ; tout le monde le sait. Il a raison. Je ne l’ai jamais aimé et sa passion a passé bien vite. Pourquoi me resterait-il ?… Pourtant cela me froisse. Ce n’est pas de la jalousie.

Elle se mit à rire et ajouta :

— Cela m’irrite qu’il m’ait trouvé une remplaçante et si promptement encore. Pour moi, que faire ? Plaignez-moi. Chacun de mes pas est surveillé. Avec cette étiquette, ces nobles serviteurs qui nous entourent, nous nous infligeons à nous-mêmes une inquisition, une police. Il y a des moments où je serais capable d’envier Catherine II osant revêtir l’uniforme de la garde, ceindre l’épée et se mettre à la tête des soldats pour jouer son va-tout en une bataille. La fortune lui fut favorable comme à tous les audacieux. Elle renversa du trône le mari qu’elle n’aimait pas et prit elle-même les rênes du gouvernement, pour vivre dès lors à sa guise. Mais cela se passait il y a cent ans