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N’AVOIR PLUS CONSCIENCE DE SOI

Alors Rosenzweig se réunit à Julie pour supplier le furieux de ne pas faire de scandale et pour arranger les choses sans bruit.

Après un long débat, Keith parut céder aux larmes de sa femme.

— Oui, toi, tu es innocente, lui dit-il ; mais ce misérable, ce don Juan au cœur de pierre qui s’introduit dans les familles pour désunir les couples heureux, cet insatiable séducteur, il faut qu’il meure. Je veux me battre avec lui à l’américaine.

Rosenzweig, ranimé par les accusations que le baron fulminait contre lui, s’avança vers son accusateur avec beaucoup de dignité.

— Je me reconnais coupable ; oui, je suis l’ami des jolies femmes, dit-il avec un regard à Julie. Et quand on m’attribue quelque bonheur auprès d’elles, on n’a pas tout à fait tort ; mais ici il n’était question que de doux souvenirs. J’ai oublié que la baronne Keith n’était plus la petite Julie que j’ai fait danser si souvent sur mes genoux ; voilà tout notre tort. Je le confesse et je vous prie, monsieur le baron, de me le pardonner ; un duel avec vous, je ne saurais l’accepter.

— Alors, je vais vous massacrer, fit Keith avec le plus grand sang-froid.

Le banquier se réfugia derrière la table.