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PARISIENS DE TOUTE SORTE

éclairant pour moi le présent et l’avenir. Mais, en attendant, je saurai souffrir. À celui qui perd la femme aimée on peut dire avec raison : Il ne manque pas de femmes dans le monde ; mais que dire à celui qui vient d’ensevelir sa mère ? Pour tout homme, il n’y a jamais qu’une mère.

— Je me garderais de vous contredire, répondit Wiepert après un temps d’arrêt, pendant lequel il s’était efforcé aussi vaillamment qu’inutilement de refouler ses larmes. J’ai… j’ai aussi perdu ma mère. Assez sur ce sujet ; parlons d’autre chose. Lorsqu’un poids terrible pèse sur nous, mon jeune ami, il ne suffit pas de résister, de ne pas se laisser courber, il vaut mieux se débarrasser de ce poids par une forte secousse. Il faut que vous fassiez quelque chose pour délivrer votre âme. Essayez s’il vous sera possible d’entreprendre une tâche quelconque. Plus elle sera grande, plus le but que vous vous proposerez sera difficile, mieux vous vous en trouverez, même en n’atteignant pas ce but.

— J’y avais déjà pensé, murmura Andor avec un sourire profondément douloureux ; je voulais écrire une tragédie.

— Y pensez-vous ? Un drame qui ne sera jamais joué est un enfant mort-né, et ce qu’on donne aujourd’hui dans les théâtres peut s’appeler des