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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

le bois vert, les champs de blé jaunes. Cela t’empêchait d’être malingre comme les enfants des villes. Dans les maisons sombres, dans les longues rues noires, la poésie, le sentiment sont étouffés. Toi, tu avais ton temps pour courir avec les fils des paysans, et tes joues devenaient rouges, tu brunissais au soleil, tu sautais, luttais, chantais, riais comme seul un enfant de la campagne peut le faire.

Là, j’avais toute facilité de remarquer comme l’amour de ton prochain était fort en toi, comme tu aimais à secourir autrui.

Je te vis un jour dans un champ prêter la main aux moissonneurs ; un autre jour à une fillette ramassant des fraises, et un troisième jour à une vieille femme qui avait besoin qu’on lui mît sur le dos le fagot qu’elle avait fait.

Tout le monde t’aimait, et le grand-père plus que tout le monde. Tant que tu fus petit, tu n’osais pas enfourcher le tigre empaillé, faire résonner l’armure du vieux chevalier ; mais quand tu fus plus grand, mon père te montrait ses plantes, ses scarabées, ses minéraux ; il te laissait grimper aux rayons de la bibliothèque, feuilleter les livres ; il te menait même à la tour du ciel pour t’y montrer la place et la marche des astres.

Beaucoup de bon grain tomba alors dans ton