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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Quels jours de bonheur que ceux pendant lesquels il me disait de chaque regard, de chaque mouvement : Je t’aime, sans qu’il lui fût possible de prononcer ces mots !

Et cependant je ne lui rendais pas l’aveu difficile ; j’étais une simple jeune fille ; je ne faisais pas de cérémonies, et j’étais bonne avec lui. Pourquoi lui aurais-je rendu l’aveu difficile ?

Un jour il y eut à la maison deux jeunes filles, le fils du garde forestier, ainsi qu’un jeune propriétaire des environs, et nous jouâmes à colin-maillard.

Ton père se laissa prendre, et ce fut à son tour de nous chercher. C’était moi qu’il voulait saisir ; mais il s’y prenait si maladroitement, que je dus finir par me jeter dans ses bras.

Je ne lui rendais pas l’aveu difficile, vraiment.

Nous allions ensemble dans le parc, et même plus loin encore. Il me cueillait des fleurs et je tressais des couronnes, ou bien j’entrelaçais en une chaîne verte les tiges de l’ésule, et je l’en entortillais comme mon prisonnier. Une fois même le cordon de mon soulier s’étant défait, il s’agenouilla devant moi pour le renouer.

Mais le jour vint où il dut s’éloigner, il n’avait pas encore trouvé le vrai mot à me dire.

Alors les choses prirent une tournure très-amu-