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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

n’ont pas de jeunesse, à peine une enfance ; c’est pour cela qu’ils deviennent vieux si vite et ne peuvent pas bien aimer.

À vingt ans, moi j’étais encore tout à fait enfant. Tout me réjouissait et tout vivait pour moi, les arbres, les fleurs, les étoiles, l’eau, l’air ; et pendant l’hiver, les vieilles commodes, les fauteuils branlants, les tableaux noircis et les pendules massives me racontaient leur histoire. Je les comprenais nos vieux meubles, et ils semblaient me comprendre.

Vers l’époque où notre ménagère, la vieille Babette, vint à mourir, où il me fallut mener la maison, gouverner dans la cuisine, ton père reparut chez nous ; mais je te raconterai cela une autre fois.

 

Une autre fois donc, Andor reprit sa place auprès du lit de sa mère. Elle lui sourit d’un sourire qui semblait la refaire jeune et belle, et elle continua ainsi :

« Ce fut dans l’église du village que je revis ton père pour la première fois. Assise sur ma chaise, je sentis tout à coup que quelqu’un me regardait. Il s’était à moitié caché derrière un pilier, et ne me quittait pas des yeux.

J’étais irritée contre lui, car il me troublait dans