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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

jours restées dans ma mémoire et qui me reviennent sans cesse maintenant.

Il me disait : les hommes qui courent après le bonheur poursuivent un fantôme, un feu follet. Il n’y a rien en ce monde, rien de ce que l’homme peut saisir de ses mains qui nous donne le contentement. Celui qui aime une femme et met son plus grand bonheur dans cette possession découvrira qu’il n’est plus heureux aussitôt que cette femme lui aura appartenu quelque temps. Celui qui lutte pour la fortune se verra, en pleine abondance de biens, manquer du nécessaire, autant qu’il en manquait quand il était pauvre. En dehors de nous-mêmes, rien de ce qui est dans le monde ne saurait vraiment nous faire heureux.

Notre bonheur ne consiste pas dans la possession, la conquête, le but atteint ; il ne consiste que dans les efforts de la lutte, que ces efforts tendent vers un but ou un autre.

Avec les années, j’ai fait une découverte qui avait échappé à mon bon père.

Il y a encore une autre sorte de bonheur et celui-là consiste dans le souvenir. Ce que nous gardons dans notre mémoire est seul bien à nous ; aucune puissance de la terre ne peut nous l’enlever.

Sur ce lit de douleur que je ne quitterai plus, qu’ai-je à espérer, moi, pauvre femme, qu’ai-je à