Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Il prenait bien le sucre qu’elle lui donnait, mais il grognait doucement quand elle le mettait sur ses genoux, et s’empressait de fuir dès qu’elle essayait de jouer avec lui.

Était-il couché au soleil en quelque endroit, et venait-elle à passer devant lui, le petit hypocrite fermait aussitôt les yeux et respirait bruyamment, comme s’il eût dormi.

Le chien était peut-être, à sa manière, un philosophe pratique ; en tout cas, il montrait certainement plus de finesse que son maître. Pas une seule fois il n’avait voulu se coucher sur les habits neufs à la mode que Plant portait maintenant ; il préférait passer sa nuit sur un vieux vêtement, par terre, dans un coin.

Il n’avait évidemment pas plus de confiance dans le luxe dont il se voyait alors entouré que dans Valéria, et un jour où elle laissa tomber son mouchoir garni de dentelle, il l’emporta dans un joli endroit du jardin où il avait l’habitude d’enterrer les os, et se mit à le mordiller en grognant et en aboyant comme s’il avait eu la belle actrice entre les dents. Ce manége dura jusqu’à ce qu’il eût mis le mouchoir en pièces ; puis il se coucha, triomphant, sur les lambeaux comme sur le cadavre d’un ennemi abattu.

Les soirs où Valéria jouait, Plant savourait un