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LA COUPE DE L’ARC-EN-CIEL

chaussée. Votre chambre changée, occuperez celle qu’habitait ma femme. Pense avez pas peur de revenants.

— Je n’ai peur de rien au monde, répondit Hanna.

« Une phrase » pensa le général. Dans la nuit, cependant elle lui prouva que ce n’était pas une phrase.

Tout le monde dormait dans la maison ; on n’entendait plus d’autre bruit que les aboiements, de temps en temps répétés, du chien de garde. Hanna seule veillait. Elle ne s’était pas déshabillée et se tenait debout à la fenêtre ouverte de la chambre richement meublée que la générale avait occupée jadis. Elle avait sous les pieds un beau tapis français et ses doigts jouaient avec la dentelle de Malines du léger rideau blanc doublant le grand rideau en épaisse soie bleue. Les rayons de la lune, dessinant le haut de la fenêtre sur le tapis en carrés d’argent rendaient toute lumière inutile.

Évidemment, elle attendait quelque chose, et elle ne se lassait pas d’attendre.

Enfin, un courant d’air fit trembler les glands bleus du ciel de lit et glissa sur la joue de mademoiselle Teschenberg. Elle se retourna vivement et aperçut le général au milieu de la chambre. À