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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

abîmes moraux de la société qu’en lisant toutes les éditions complètes d’Altona.

En pareille circonstance, Hanna avait décemment baissé la tête sur son tricot et écouté de toutes ses oreilles. Elle avait entendu entre autres choses que les hommes d’aujourd’hui ne recherchent, n’estiment, chez la femme, ni l’amour, ni la bonté, ni le goût de leur intérieur et encore moins la fidélité ; que les femmes convenables s’ennuient et ne suivent l’exemple des demi-mondaines capables de rivaliser avec des princesses, que parce que ces demi-mondaines possèdent l’art de paraître toujours nouvelles ou de remplacer l’originalité par la grossièreté, la cruauté et surtout l’infidélité.

Elle avait entendu que l’homme, de nos jours, n’adore que celle qui le rend ridicule, le maltraite, le trompe, l’exploite ; que le charme des femmes de théâtre, leurs têtes de mort fardées, pâles et creuses, leur beauté composée de faux cheveux, de fausses dents et leurs noms ronflants, aristocratiques, cachent une origine vulgaire à la Cora Pearl ; que la bassesse de leur âme, la brutalité de leurs appétits, fait toute leur force ; que les héros nerveux de notre époque demandent, non d’être heureux, mais d’être excités, excités à tout prix, et que, après avoir offert sans hésiter leur fortune à une drôlesse, ils peuvent aller, si la