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TROIS JEUNES SAGES ET UN VIEUX FOU

je porte des habits déguenillés, parce que je plains les hommes et me parle à moi-même, à haute voix. Eh bien, vous errez. Je ne suis pas fou. Souvenez-vous de ce que je vous dis, et n’oubliez pas non plus cette grande vérité que j’ai découverte : toutes nos douleurs, toutes nos erreurs, toutes nos espérances déçues, tous les soucis, toutes les fatigues, tous les moments de faiblesse de notre existence sur terre ne proviennent que d’une seule et même cause : le désir de nous faire remarquer, de briller, que ce soit par la position, le titre, la fortune ou les avantages personnels. C’est parce que j’ai reconnu cela que je porte ces habits, et, croyez-moi, je suis heureux, sous ces haillons qui emprisonnent ma vanité, ma soif de jouissance, beaucoup plus heureux que vous ne le serez jamais avec votre idéal, mes jeunes gens pratiques. »

Après cette apostrophe, il sortit du café, majestueux comme un roi, laissant derrière lui les apostrophés passablement perplexes et quelque peu honteux.