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LA PELOTE NOIRE ET GRISE

prit, emprisonné dans son amour comme dans un maillot, devenait enfantin, s’il voyait dans la jeune fille la créature la plus accomplie du monde. À ses yeux, elle était noble, sensible, dévouée, poétique, spirituelle, instruite, pleine de grandes idées et d’aspirations élevées, en un mot, tout ce qu’il était lui-même.

Chacun de nous n’a-t-il pas eu, une et même plusieurs fois, un idéal féminin qui nous semblait né pour diriger les destinées d’un grand peuple, ou pour tenir la plume de George Sand, et qui, par le fait, n’était bon qu’à surveiller le pot-au-feu ?

Pourtant, il y avait des heures où Hanna s’élevait jusqu’à Andor. Elle ne le comprenait pas mieux que d’ordinaire, il est vrai, mais elle sentait comme lui, avec lui ; elle respirait, et avec joie, le même air que celui qui l’aimait.

Malheureusement, cela n’arrivait que lorsqu’elle allait voir la mère d’Andor, lorsque l’atmosphère chaude et idéaliste de cette maison l’enveloppait insensiblement de son charme si doux, lorsqu’elle était assise dans sa chambre à lui, entre les hautes rangées de livres et qu’elle examinait les vieux volumes en cuir jauni qui avaient leurs rides comme tous les vieillards.

Dans ces moments, elle eût été capable de s’ar-