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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

para de la note à sensation et la mit dans sa poche en faisant un léger signe de tête.

Ce signe suffit au garçon ainsi qu’à Valéria, qui se leva majestueusement, jeta à l’officier un coup d’œil très-expressif et quitta lentement la salle avec un joli frou-frou de sa jupe de soie.

Le lendemain, la piquante histoire de la note faisait le tour de la ville ; elle arrivait jusque dans le cabinet du président du tribunal ; elle pénétrait, malgré la sextuple surveillance, dans le couvent des jeunes filles nobles ; elle franchissait même le seuil de l’évêché, et, le même soir, à son début dans Lady Milford, Valéria Belmont obtenait un véritable triomphe. Elle le méritait, du reste. Dans sa robe de moire à ramages, très-décolletée, laissant voir son buste modelé comme celui d’une statue de déesse grecque, avec ses yeux étincelants sous la perruque poudrée, elle faisait un effet prodigieux.

Après la représentation, le directeur du théâtre vint à elle.

— Vous êtes engagée, mademoiselle Belmont, lui dit-il par saccades. Vous avez plu ; il n’en faut pas davantage. Brillante, très-brillante ! Schiller crierait vengeance à votre manière de jouer ; mais cela ne fait rien ; vous avez du talent, beaucoup de talent, et il le faut bien, puisque je vous le