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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

ces deux dernières dames à souper dans le premier hôtel de la ville, que fréquentaient les messieurs élégants.

Quelle idée avait-elle, sachant que l’argent lui manquait complétement, de s’offrir ainsi un souper délicat, très-cher, et d’inviter ses deux camarades par-dessus le marché ? Elle avait été assez longtemps en relations avec des femmes de théâtre pour savoir que, plus encore hors de la scène que sur la scène, tout dépendait pour elle d’un début heureux. Qu’elle parvînt à faire parler d’elle, surtout de manière à amuser les messieurs élégants et blasés, et à fournir aux femmes l’occasion de faire briller leur vertu une fois encore par le contraste, et sa carrière était faite.

En très-belle toilette, ses cheveux noirs tombant en deux nattes épaisses de son petit chapeau sur ses épaules, elle entra dans la salle à manger de l’hôtel. Le long des tables occupées par des soupeurs très-bien mis, elle ne regardait personne, elle fronçait même les sourcils d’une manière peu engageante. Derrière elle, ses compagnes souriaient à droite, souriaient à gauche, comme si elles se fussent entendues pour proclamer Valéria Belmont inabordable et, par conséquent, d’autant plus intéressante.

La nouvelle actrice prit place dans l’embrasure