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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

temps que madame Peneke. À la porte de sa mère d’adoption, elle prêta l’oreille jusqu’à ce que celle-ci se fût couchée et eût fait entendre ce son nasal et régulier qui imite de si près celui de la scie dans le bois. Après, sans souliers, sans faire plus de bruit qu’une ombre, elle redescendit l’escalier et ouvrit la boutique.

Dans l’assortiment des toilettes, elle choisit une des plus belles robes, un certain nombre d’autres objets et des bijoux. Elle revêtit une robe de soie verte, une jolie casaque en velours noir et mit son chapeau avec un voile assez épais pour la rendre méconnaissable. Ceci fait, elle se rechaussa, arrangea tout ce qu’elle avait choisi en un gros paquet, comme en portent les compagnons en voyage, glissa dans sa poche un revolver à trois coups ; saisit une canne plombée et quitta la maison en ayant soin de refermer les portes.

De l’argent, elle n’en avait pas pris ; cela lui eût semblé un vol. Pour les toilettes, elle savait que madame Peneke les lui aurait données, si toutefois elle avait consenti au départ. Elle n’emportait donc, par le fait, que ce qui lui eût appartenu, et elle ne pensait pas le moins du monde qu’elle agissait mal.

Pourquoi, du reste, aurait-elle pensé ? On nous a si longtemps reproché de trop penser, que nous