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UN HEUREUX DÉBUT

Cependant la jeune fille semblait supporter avec beaucoup de calme le mépris qu’elle disait attaché au travail. Du matin au soir, elle aidait en tout madame Peneke ; mais dans la soirée, alors que sa mère d’adoption, qui se couchait de très-bonne heure, tombait lourdement sur les coussins et sur les coussinets de plume de son lit, ainsi qu’une de ces déesses de l’école flamande qui semblent écraser de leur poids les nuages floconneux, Marie s’enfermait dans sa chambrette, retirait de son armoire quelque robe d’apparat qu’elle y tenait cachée, s’en habillait, ornait sa chevelure brune de fausses perles et se mettait à lire des pièces de théâtre, à apprendre des rôles par cœur, à les déclamer, puis à les jouer.

Elle avait commencé par le rôle de Lady Milford. À la Milford avait succédé Marie Stuart, parce que Marie savait que le velours noir l’avantageait beaucoup. Était venue ensuite la Judith d’Hebbel, parce que, en personnifiant la belle juive, elle avait l’occasion de laisser voir ses beaux bras. Quand elle en eut fini avec ce dernier rôle, elle résolut de mettre à exécution un projet qu’elle nourrissait vaguement depuis longtemps.

Elle mena ce projet à bonne fin, par une belle nuit de printemps, fraîche et parfumée.

Elle fit semblant d’aller se coucher en même