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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Tandis que, dans la chambre contiguë, la grosse conseillère comptait tranquillement sur ses doigts épais les mailles de son bas, le docteur attirait la belle Hanna sur sa poitrine et leurs lèvres se rencontraient en un baiser.

Après, la jeune fille s’écarta de son professeur, le fixant comme si elle eût voulu graver à jamais son image dans son âme, puis elle rejeta en arrière ses cheveux bruns et, plus hardie qu’il n’eût osé l’être, revint vers lui toute frissonnante pour l’entourer de ses deux bras avec force, avec tendresse, pour l’embrasser, une fois, deux fois, l’embrasser encore.

Ils ne pouvaient se lasser de se caresser, de se regarder, savourant tous deux leurs sensations auprès desquelles tout le reste n’était rien. Ils savaient qu’ils s’aimaient et ils ne savaient rien de plus, ne pensant ni aux hommes, ni à ce qu’ils pouvaient dire, ni au monde, ni à son opinion, ne pensant pas même à l’avenir.

Dans l’intervalle, la conseillère avait recommencé trois fois à compter ses mailles. Elle avait à demi prêté l’oreille à ce qui se passait dans la chambre à côté, et elle avait trouvé étrange le silence qui y régnait.

Elle finit par jeter son bas sur le parquet ; le pauvre bas sembla réellement ressentir cette hu-