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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

— Ainsi, mademoiselle, vous n’avez jamais, au printemps, écouté les premiers grands bruits de la terre qui se réveille ! Combien je vous plains !

— Dans les poésies que j’ai lues, il y a toujours une alouette qui s’élève des champs de blé et monte vers le ciel avec des cris joyeux ; mais je n’ai jamais entendu l’alouette chanter. J’en ai vu une, un jour, chez le confiseur de notre rue ; elle était enfermée dans une cage et ne chantait pas.

— Et vous ne connaissez pas non plus ce sentiment qui s’empare de nous au printemps, ce sentiment mélangé de vive surexcitation et de douce langueur, par lequel nous sommes tantôt élevés vers le bleu du ciel le plus pur, tantôt ramenés vers les profondeurs les plus secrètes de la terre ; ce sentiment qui nous tourmente comme un mystère, qui se compose à la fois de réflexions, de rêveries, de désirs, défilant, s’agitant autour de nous ainsi que des ombres qu’on ne peut saisir, et d’ardeur inquiète, de malaise indéfinissable ? On pourrait le rapprocher, ce sentiment en question, de l’instinct qui entraîne le marin sur la grande mer bleue pour aller découvrir de nouveaux pays dans les zones lointaines ; car, nous aussi, nous voudrions