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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

se souvint que jusqu’ici on n’avait pas encore ri de l’orateur.

Il ferma donc la paupière, se renversa nonchalamment dans son fauteuil, fit craquer ses souliers vernis et bâilla une fois, deux fois, de manière à être remarqué. Autour de lui on commença à rire sous cape.

Pendant que la savante explication d’Andor continuait à couler ainsi qu’un ruisseau murmurant dans la prairie, Oldershausen dit soudain à haute voix :

— Si cela dure ainsi, nous ne saurons pas avant demain à cette heure-ci ce que veut réellement dire le mot féodal.

— Mon intention n’est pas d’ennuyer la compagnie, répondit le docteur.

— Vraiment ! s’écria Oldershausen.

Il y avait dans son exclamation tant d’étonnement comique que tout le monde éclata de rire, à l’exception d’Hanna. Elle avait vu Andor rougir et faire un pas en arrière. Elle était seule à ne pouvoir rire, parce qu’elle se sentait prise d’un effroi soudain, semblable à celui que l’on éprouve en voyant un homme faible et sans défense sous le couteau d’un vigoureux adversaire.

Mais elle faisait erreur en supposant qu’Andor était faible, sans défense, et ce qui suivit fut tout