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LE PENSUM DANGEREUX

moins vite. Du vivant de nos grands-pères, bien des gens portaient toute leur vie le même frac de fin drap bleu, vert ou brun, à boutons de laiton. À cette même époque, on avait aussi des amis qui vous suivaient dans la vie et ses nombreuses vicissitudes, depuis l’heureux temps des joyeux ébats de la jeunesse jusqu’à l’heure dernière, à la tombe. Il n’était même pas rare de voir dans une famille un de ces vieux amis transmis de mains comme un héritage. Parfois, assurément, ces vieilles amitiés jaunies devenaient ennuyeuses ; mais elles étaient bon teint et durables. On voulait alors des relations convenables, comme on veut aujourd’hui des relations intéressantes. On cherchait longtemps, longtemps, jusqu’à ce qu’on eût trouvé l’ami ayant les mêmes idées, les mêmes goûts, partageant votre manière de sentir en toute chose, entretenant autant que possible les mêmes aspirations, et, dès qu’on l’avait rencontré, on s’attachait à lui, on le retenait fortement. Tout cela n’est plus.

Aujourd’hui, la vie court rapide, comme poussée par la vapeur. De même que le monstre à l’haleine de feu, aux yeux rouges, nous entraîne dans sa course, faisant défiler au vol devant nous les champs, les forêts, les fleuves, les montagnes, de même aussi changent sans cesse, autour de nous, les figures humaines. En tout, même en