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POINT D’HONNEUR

Le baron Keith était aussi imbu de ces principes que n’importe quel autre fils de grande famille, à la vue courte, ayant le malheur d’appartenir à la classe qui ne travaille ni ne produit.

Il entra chez les Peneke avec la pensée qu’il ferait honneur au maître de la maison en lui empruntant de l’argent et en cherchant à séduire Marie. La jolie fille à corps et à tête de Vénus, il la regarda dès le premier moment comme destinée à devenir sa favorite. Elle n’en restait pas moins fière et froide avec lui. S’il entrait dans la boutique, elle en sortait. Alors le jeune dieu tourmentait le duvet ombrageant sa lèvre supérieure, duvet aussi rare chez lui que chez une amazone, et faisait sonner ses éperons de dépit.

Il lui arriva une fois de rencontrer Marie dans l’escalier. Elle essaya de passer à côté de lui avec une légère inclination de tête ; mais il lui prit la main et la retint.

— Vous n’avez pas beaucoup de sympathie pour moi, mon enfant, commença-t-il.

— Je vous crois bien plus enfant que moi, monsieur le lieutenant, lui répondit-elle.

— Vraiment, mademoiselle.

Elle détourna la tête d’un air hautain.

— Vous aurais-je froissée ?

— Je ne suis pas fille à supporter qu’on me