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UN BAL CHEZ LES ROSENZWEIG

Micheline ! observa-t-il du ton d’un professeur en chaire. À un cheveu près Hanna ressemble à la Vénus de Milo, tandis que vous… vous avez une tête comme on en voit dans la vitrine d’un coiffeur ou dans un journal de mode. Vrai, est-ce joli, cela ?

Micheline se tut ; mais, en rentrant chez elle, elle acheta trois livres de faux cheveux chez la friseuse de la Cour.

Quand on peut, avec cent florins, se transformer en une Vénus de Milo, c’est trop bon marché pour s’en priver.

La jeune juive était donc très-contente, mais elle voulait encore avoir l’occasion de se montrer en Vénus, et de produire un effet saisissant. Cette occasion ne pouvait se présenter ni dans la rue ni au théâtre, dans un salon seulement. Elle résolut donc de donner un bal chez elle, et avec cette intention elle pénétra dans le cabinet de son père.

M. Rosenzweig, banquier et membre du conseil de surveillance de plusieurs compagnies par actions était parti de très-bas pour monter très-haut. On pouvait dire avec raison qu’il avait porté la balle, et c’était là le malheur de sa vie. Il aurait volontiers donné son million pour que son père eût porté l’épée ou eût occupé un fauteuil