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MÉTAMORPHOSES

Les amoureux vécurent dès lors d’une manière assez étrange en apparence, mais pas du tout étrange en y regardant de près. Cet idéal que Rothschild et Strousberg ont en commun avec le pauvre petit boursier qui s’époumone à gagner un quart pour cent, était aussi leur idéal, et, dans leur position, ils faisaient certainement de leur mieux pour le réaliser à peu près.

Certains de ne pouvoir jouir sans travail, ils se décidèrent à travailler.

Ils ne se voyaient que le samedi soir et le dimanche. Toute la semaine, Plant écrivait chez son notaire ; après ses heures de bureau, il faisait ce qu’il avait toujours dédaigné de faire : il rédigeait secrètement des plaintes pour les paysans et autre petit monde ; il se faisait écrivain public. Malgré ce surcroît de besogne, il ne mangeait que du pain sec et buvait un petit verre d’eau-de-vie. Marie ne buvait pas d’eau-de-vie, ne mangeait pas de pain sec ; mais au lieu de lire les romans, elle travaillait tout le jour pour les pratiques de madame Peneke, cousait pour elles des négligés dans lesquels elles recevaient leurs amoureux, ourlait les mouchoirs à l’usage de leur nez de grandes dames et, le soir, renonçait au théâtre pour faire de belles serviettes blanches qu’elle leur allait chercher dans un magasin de la rue des Lys.