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MÉTAMORPHOSES

ner aux idées romanesques, elle tournait aux idées pratiques de nos jours. Les hauts faits d’une Jeanne Darc, l’amour vaillant de la petite Clara dans Egmont ou la franche tendresse de la Gretchen de Gœthe, elle n’avait pas envie de les imiter ; ce qu’elle enviait, c’était une lady Milford avec sa puissance, son luxe, surtout ses toilettes.

Que de fois, revêtue des oripeaux de cour constellés d’étoiles d’une princesse de théâtre, elle se mettait devant la glace, jetait le manteau royal sur ses épaules et se disait qu’elle remplirait si bien un rôle de reine, qu’elle serait si jolie entourée de la pompe du trône.

Ce trait de son caractère était écrit sur son beau front en signe de sa destinée.

La femme moderne n’a qu’un défaut qui engendre tous les autres ; ce ne sont pas les plaisirs de la table ni les joies délirantes de l’amour qui la fascinent, l’entraînent. Les toilettes d’une actrice égarent aujourd’hui plus de femmes que tous les drames adultères, tous les romans scabreux réunis ensemble.

La femme de nos jours a une soif ardente de luxe, de toilette, et elle veut apaiser cette soif, fût-ce au prix de l’affection de son mari, de son amant. Sans réfléchir, elle sacrifie tout à la toilette ; s’il le faut, elle s’y sacrifie elle-même.