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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

finesse de la personne de Marie, sur ses passions nobles.

Toute enfant, Marie profitait de chaque occasion pour se parer des jolies choses que madame Peneke achetait à vil prix aux dames de la noblesse ou que des actrices, des femmes du demi-monde engageaient chez elle. La jolie fillette était-elle parvenue à s’attifer d’une jupe de soie, d’une casaque de velours, à mettre la main sur des bracelets d’or, un diadème étincelant pour sa chevelure brune, elle s’empressait de jouer à la comtesse. Les enfants qui venaient la voir devaient représenter ses serviteurs : cocher, chasseur, femme de chambre, et elle leur donnait des ordres, leur distribuait des soufflets comme une vraie dame. D’autres fois elle s’emparait d’un manteau de pourpre et alors il fallait que chacun s’agenouillât devant elle ; gare à qui la mettait en colère ! Elle l’envoyait en prison, c’est-à-dire elle l’enfermait dans le grand poêle, avec les mains liées derrière le dos.

Devenue grande, elle consacra tout son temps à lire des romans ou à faire toilette. Presque chaque soir, elle allait au théâtre où elle écoutait, les lèvres serrées.

Son imagination avait été ainsi échauffée, surexcitée au plus haut point ; mais, au lieu de tour-