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AMOUR ALLEMAND

Des enfants à figure rougie par le froid se poursuivent çà et là ; d’autres crient sur les bords et lancent des boules de neige.

Une aristocratique Junon est nonchalamment couchée dans un fauteuil bien rembourré qu’un petit officier de la garde, à l’haleine courte, pousse partout en se tenant debout derrière comme un laquais. Il a la sueur au front, mais elle ne se lasse pas de regarder les gens avec son lorgnon ; elle semble avoir oublié son cavalier.

Dans les buissons, les moineaux sautillent sur les branches couvertes de givre étincelant ; le soleil du soir verse ses reflets rouges sur ce tourbillon d’êtres et de couleurs, de telle sorte que tout brille, tout scintille étrangement. Sous le poids, la glace ondule, crie et craque.

Autour du lac, sur des bancs en bois, sont assises des dames richement vêtues, cachant dans leurs manchons leurs mains glacées et suivant des yeux les mouvements hardis de leurs filles.

Une vieille femme qui a un mouchoir bleu à tabac enroulé autour de la tête et paraît souffrir du mal de dents, loue des patins qu’un enfant en gros souliers de feutre, à figure verdâtre, maladive, attache aux pieds des messieurs, des dames aussi, quand leur cavalier ne préfère pas se réserver cette faveur.