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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

rateur était précisément ce méchant, ce savant Andor qui lui en imposait, qu’elle craignait. Elle s’expliquait très-bien maintenant pourquoi la fameuse lettre n’avait été suivie d’aucune autre.

Oh ! comme elle jubilait intérieurement, sans oser, toutefois, relever les yeux ! Elle les aurait longtemps encore tenus fixés sur le témoignage, si la baronne Julie ne lui était venue en aide en s’écriant :

— Ainsi nous menons le docteur sur la glace !

— Oui, oui ; mais d’abord une tasse de café, fit Hanna, sautillant hors de la chambre.

Andor se laissa faire comme on voulut ; il était dans la situation d’un assassin que l’œil de la justice a découvert ; il se voyait trahi et peut-être maintenant se riait-on, se moquait-on de lui à lèvres que veux-tu. Il but sans se plaindre le café-pétrole ; sans se plaindre il attendit que les trois jeunes filles et la conseillère eussent fait toilette.

Lorsque les dames reparurent, le docteur, tout insensible qu’il était au luxe de la toilette, ne put cacher son admiration. Son sens du beau, fortement remué, lui faisait entrevoir toute sorte de folles visions. Sous son lourd costume d’hiver, la conseillère lui semblait une tzarine russe ; la baronne Julie en toilette de patineuse, coupe polonaise et portant sur ses blonds cheveux une