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possession d’elle même et se mit à examiner minutieusement le passe-port de la colporteuse. L’âge et les différentes indications y portées comme signalement pouvaient tout aussi bien s’appliquer à Anna, sauf une que cette dernière remarqua avec effroi : cheveux rouges ! Son effroi ne fut néanmoins que de courte durée : après un court instant de réflexion, elle eut victorieusement résolu la difficulté. Les journaux de Vienne lui avaient appris que la femme d’un peintre renommé, elle-même actrice dans un théâtre des faubourgs, s’était changée de brunette en blonde dorée d’après une méthode découverte à Paris. Dès lors, sans crainte de voir sa supercherie découverte, pouvait-elle utiliser le passeport de Sarolta Kuliseki et se faire passer pour la défunte.

Tout d’abord, elle se rendit chez un coiffeur qui lui avait été désigné comme le premier de Munich et lui demanda s’il était au courant de la découverte parisienne. Comme cet homme le lui affirmait, tout en riant, elle lui dit qu’elle préférerait une chevelure absolument acajou à une chevelure blond doré. Le coiffeur, s’étant engagé à donner aux cheveux d’Anna la teinte demandée dans l’espace de quelques jours, elle le quitta complètement rassurée, envoya chercher sa malle à la gare et se rendit dans un hôtel modeste.