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— C’est bien là notre intention, répondis-je.

La société de ces paysans, surtout celle du capitulant, n’était pas sans attrait pour moi. Comme il me précédait pour me conduire, un petit gars accourut au-devant de lui. Il lui passa doucement la main sur ses cheveux d’un blond de filasse ; ce n’était déjà plus le même homme. Je vis bien que celui-là n’était pas de ceux que l’on connaît tout de suite dès le premier mot.

Les paysans se levèrent. — Que faites-vous donc là ? leur demandai-je.

Tous les yeux se tournèrent vers le capitulant.

— Les propriétaires du voisinage, répondit-il d’un ton grave, et peut-être encore d’autres Polonais se rendent aujourd’hui chez le seigneur de Toulava. Ils y trouveront probablement des émissaires et des correspondances, et se concerteront entre eux. Beaucoup viennent sans passeport ; c’est à nous d’ouvrir les yeux. Peut-être qu’il se découvrira quelque chose. Voilà tout.

— Oui, nous faisons bonne garde, dit le petit.

— Par un temps pareil !

— Dame ! on fait ce qu’on peut, repartit le capitulant. S’ils nous échappent dans la tourmente, au moins on aura été à son poste. — Il n’avait pas compris que le mauvais temps aurait pu l’empêcher d’être là.

Il saisit les chevaux par la crinière du front, amena le traîneau tout près du feu, en tira une couverture et l’étala pour moi sur le sol. — La terre est sèche, dit-il. Nous sommes là depuis le