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de lapin noir ou plutôt de lapin blanc, blanc comme le lait ?

Elle me regarda d’un petit air à la fois étonné et narquois, fronça légèrement les sourcils, et ses lèvres frémirent sur ses dents blanches ; puis des coins de la bouche le rire gagna les joues, et finalement éclata sur tout le visage de la petite friponne.

— Eh bien ! pourquoi ris-tu maintenant ?

— Ce n’est rien.

— Alors veux-tu d’une soukmana doublée de lapin, de lapin blanc ? Qu’en dis-tu ?

Elle se lève subitement, rabat sa jupe, ramène sa chemise.

— Non, dit-elle. Si vous m’en donnez une, ce sera avec du petit-gris.

— Du petit-gris ? Comment ?

— Mais oui, comme le portent les belles dames…

Je la contemplai. Ce visage-là resplendissait d’égoïsme, d’un égoïsme naïf comme l’innocence. Elle embrassait les désirs de son âme sans penser à rien, comme elle baisait les pieds d’un saint. D’idées, de principe, point ; la morale du faucon et les lois de la forêt ! Elle était chrétienne à peu près comme un jeune chat qui par aventure fait une croix sur son nez avec sa patte.

Elle eut sa soukmana, que je lui rapportai de Lemberg, et, — vous allez vous moquer de moi, — je m’épris d’une belle passion pour cette femme. Ce fut un vrai roman. Au premier coup de fusil, elle accourait. Je peignais ses longs cheveux avec mes doigts, je lavais ses pieds dans le torrent, et elle