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ment, je vois Marcella pâlir ; ses lèvres se décolorent, le revolver lui glisse de la main, et elle tombe à la renverse. Je la reçois dans mes bras ; son sang coule sur moi ; alors seulement je m’aperçois qu’elle est blessée. Je demande de l’eau à grands cris. Les enfants arrivent, ils se pendent à ses jupes en pleurant ; Iendrik lui rafraîchit les tempes. Enfin elle rouvre les yeux, et son regard rencontre le mien ; je respirai, et je me pris à sangloter comme un enfant.

Heureusement l’accident n’eut point de suites fâcheuses. Je tins à me venger. Des papiers que nous avions trouvés sur les Polonais me fournirent des indications précieuses, à l’aide desquelles, au terme de huit jours, je pus cerner pendant la nuit le château de Zavale avec les paysans de Lesno et de Zolobad, et enlever le comité révolutionnaire de notre cercle avec tous ses papiers, sa caisse et une grande quantité d’armes, pour livrer ces gens à la justice.

Pour que tu puisses juger par toi-même jusqu’à quel point Marcella a répondu à mes espérances, je veux te faire lire les lettres que voici. J’ai reçu la dernière ce matin ; tout cela a été écrit à bâtons rompus, car je m’absente rarement au delà de quelques jours. Cependant cette lecture pourra te donner une idée juste de ce qu’est aujourd’hui ma femme. — Après ces mots, le comte me remit une liasse de lettres d’une écriture élégante et ferme, et me souhaita une bonne nuit.