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messieurs au diable. Ils répondirent par les menaces que tu connais. — Je ne suis pas Polonais, leur dis-je ; je suis citoyen d’un état libre, composé de beaucoup de nationalités, et où chacun a les mêmes droits. Je ne souffrirai aucune contrainte. Je me mets sous la protection de la loi, — et comme je les vis ricaner, — au besoin même, ajoutai-je d’un ton ferme, je saurai faire respecter ma liberté personnelle et mon droit les armes à la main.

Là-dessus, ils partirent, et au même instant entra Marcella, qui toisa les deux patriotes d’un regard impossible à rendre. — Je ne sais, lui dis-je, si tu m’approuveras.

— J’ai tout entendu, répondit-elle. Si chacun avait ton courage et ta fermeté, les troubles et la misère du pays seraient finis avant peu.

Elle me prit les deux mains, et je sus dès lors que j’avais fait mon devoir.

— Nous sommes ici au milieu des Polonais, lui dis-je, comme les trappeurs américains au milieu des Indiens, un poste avancé de la civilisation, et ils s’en apercevront, rien moins qu’un poste perdu !

Le lendemain, au point du jour, le vieux Iendrik vint me trouver tout pâle et effaré.

À la porte du château était affiché ma condamnation à mort, signée du gouvernement révolutionnaire. Je descendis, et, ayant lu le placard, l’arrachai pour le montrer à ma femme. — Il vaut mieux t’éloigner et emmener les enfants, lui dis-je.

Elle m’entoura de ses bras, et pour la première