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n’ai pas confiance dans un projet avant d’avoir obtenu son approbation. J’ai donc été obligé de prendre chez nous une vieille demoiselle, une de ces créatures du bon Dieu qui semblent ne vivre que pour les autres ; c’est Mlle Babette, qui a donné à Marcella des leçons de chant et de piano. — Le comte s’arrêta pour allumer un nouveau cigare.

— Et M. Tchornochenko, vit-il toujours ?

— Ils sont tous en vie et se portent bien. Nous allons les voir souvent avec les enfants et ils nous font des visites, et mon beau-père, pense un peu ! a une charrue américaine et vient d’installer une machine chez lui. Aussi les paysans l’appellent un « Souabe[1]. »

— Je t’avouerai, lui dis-je, que depuis quelque temps mes idées se sont beaucoup rapprochées des tiennes.

— Tous les chemins y mènent, répondit le comte, car ce sont les idées du temps. Quant à moi, depuis que nous ne nous sommes pas vus, j’ai encore fait des progrès. Tu ne saurais croire combien le mariage contribue à notre développement. Je dois autant à Marcella qu’elle me doit sous ce rapport.

— Et quels sont les points de vue nouveaux que tu as gagnés ?

— Quant à être nouveaux, ils ne le sont guère, dit le comte en souriant ; en revanche, ils sont justes. J’ai appris par exemple quelle satisfaction on

  1. En Galicie, « Souabe » est le sobriquet qu’on donne aux Allemands, probablement parce que toutes les colonies allemandes y ont été fondées par des Souabes.