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vice et inclinées comme des gerbes, il y avait ces mots :

« Je vous salue de tout cœur.

» Marcella. »
« Lesno, 21 avril 1858.

» Tu as raison, mon ami, la rareté de mes lettres est de bon augure ; plus on est heureux et moins on en parle. Le papier surtout a quelque chose de franchement indiscret qui effarouche les sentiments vrais. Aussi je ne te parle pas : je me contente de te prendre par la main à l’heure du crépuscule pour te conduire à travers le parc jusqu’à l’épais buisson de roses blanches au bas du perron, où tu pourras entendre et voir sans être vu.

» Voici Marcella dans sa robe blanche ; ses beaux cheveux sont lissés sur le front en ondulations naturelles, relevés sur la nuque en une simple torsade, ce qui donne à sa tête une expression sévère, idéale. La table est mise, elle m’attend…

» La voilà qui descend les marches pour courir au-devant de moi et se jeter à mon cou ; j’entoure sa taille de mon bras, et nous nous promenons ainsi en attendant que Iendrik apporte le samovar. Nous causons de nos affaires et de celles du pays, et nous continuons de causer pendant qu’elle prépare le thé. Ensuite… mais où trouver les mots pour parler de tout cela ? Le langage des hommes n’est pas encore assez parfait pour refléter les divines radiations du bonheur.