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» — Cela ne se peut,… balbutia-t-elle ; comment cela se pourrait-il ?

» J’étais très ému ; je la relevai pour la serrer contre moi, et elle pleura sur ma poitrine ; puis je lui renversai la tête et l’embrassai de tout mon cœur. Alors elle me jeta ses bras autour du cou avec un débordement de passion, et ses lèvres cherchèrent les miennes. — Comment te décrire ce doux moment ? Tu me comprendras sans paroles.

» — Est-ce donc possible que vous m’aimiez ? disait encore la pauvre fille, poursuivie par ses doutes,

» — Il est difficile de ne pas t’aimer, lui répondis-je. Pauvre âme chérie, où donc trouverais-je dans ce monde perverti un cœur plus digne de battre contre le cœur d’un honnête homme ?

» — Ah ! mon Dieu ! dit-elle, je crois que j’en mourrai.

» — Tu ne mourras pas, sois tranquille, lui dis-je en la serrant dans mes bras, — et elle se cacha la figure dans mon sein.

» — Ah ! vous ne savez pas combien je vous aime.

» — Si, je le sais. Je le sais depuis longtemps ; c’est toi qui ne voulais pas le savoir.

» — Je l’ai senti, dit-elle sans lever les yeux, je l’ai bien senti dès la première heure, mais je ne me comprenais pas moi-même. C’était souvent comme de la colère et de la haine contre vous, puis d’autres fois j’avais le cœur si gros ; mais le soir où vous avez répondu à mon père, ç’a été comme si on me