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— Voulez-vous les voir ?

— Je vous remercie, dit le vieux paysan. À quoi bon ? Toutes ces inventions nouvelles, voyez-vous, ces chemins de fer, et ces télégraphes, et ces machines, je ne m’y fie pas… On dit, monsieur le comte, que vous vous donnez beaucoup de peine pour nous faire avoir le chemin de fer, et on dit aussi, — après ça, ce n’est peut-être pas vrai ? — que vous vous proposez de labourer vos champs avec la vapeur au lieu de bœufs ; cela est donc possible ?

— Très possible.

— Et supposé que ce soit possible, continua le bonhomme en soupirant, n’est-ce pas un péché, toutes ces inventions nouvelles ? Ne m’en voulez pas, monsieur, ne vous fâchez pas, mais nous autres paysans, tout ça nous semble contraire à la religion, et on dit encore, monsieur le comte, que vous faites tout cela parce que vous ne croyez point en Dieu, parce que vous n’admettez pas que l’homme ait une âme immortelle et que vous croyez qu’il a une âme pareille à celle d’un chien ou d’un cheval.

— Je vais vous répondre, mon ami, dit le comte, aussi nettement que je le pourrai. Croire, c’est tenir pour vraie une chose que l’on n’a pas vérifiée, et on croit généralement ce qu’on désire.

— Ou bien ce que Dieu nous a révélé, interrompit le paysan.

— S’est-il révélé à vous directement ?

— Non.

— Vous acceptez donc ce que d’autres hommes