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— Je n’ai jamais rencontré une âme humaine ayant à ce point soif de lumière et de vérité. Et comme elle saisit les moindres nuances !

— Et as-tu fini par pénétrer son caractère ?

— Je commence à la deviner. On l’appelle entêtée ; cependant elle ne vous contredit jamais : il est vrai qu’elle n’approuve pas non plus. Elle va son petit bonhomme de chemin et finit par n’en faire qu’à sa tête. On la croit fière ; c’est qu’elle ne rougit pas à tout propos comme font les jeunes filles, elle a le regard franc et loyal ; si elle est fière, c’est la touchante fierté de la vierge, et une majesté qui lui est innée. On dit enfin qu’elle est taciturne. Elle parle peu en effet ; en revanche, elle écoute, et elle ouvre les yeux ; elle semble avoir une intuition profonde de toutes choses. Sa vraie nature, selon moi, c’est une gravité sereine : je ne l’ai jamais vue ni triste, ni folâtre ; elle rit rarement, mais sur sa figure rayonne toujours comme un sourire intérieur. — Elle tient de son père… En général, n’oublie pas ceci : quand tu choisiras une femme, regarde avant tout le père, puis la mère, et, s’il se peut, aussi les grands parents. Or sa grand’mère, ma nourrice, et la mère de Marcella et surtout son père, quel sang magnifique ! Elle est de bonne race.

— Le père me paraît tant soit peu méfiant.

— Il l’est en effet, dit le comte. C’est le vrai type de nos paysans, avec ses qualités et ses défauts : prudent, taciturne, méfiant, bon jusqu’à la faiblesse, d’une ténacité invincible dans ses obstinations, dif-