Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monte à cheval et prend la route de Zolobad. Il n’arrive ordinairement qu’à la tombée du jour. Marcella l’attend sur le pas de la porte ; elle caresse le cheval et le conduit elle-même à l’écurie lorsqu’il a mis pied à terre.

— Vous n’êtes pas trop las ? lui demande-t-elle au moment d’entamer la leçon.

— Je ne suis jamais las, répond-il en souriant, s’essuie le front et commence.

Il lui apprend à lire, à écrire, à compter, mais en évitant de la fatiguer. Il ne fait pas le maître d’école ; il sait animer tous les sujets auxquels il touche. Suspendue à ses lèvres, cette fille ignorante apprend à connaître les héros antiques et les mystères de la nature. Le comte lui apporte des livres en commençant par les chefs-d’œuvre de la poésie russe, les chansons de Kolzof, les Âmes mortes, les Mémoires d’un chasseur et Onéghine.

Lorsqu’il remonte à cheval, Marcella lui tient l’étrier et le remercie par quelques paroles émues ; une fois même elle lui a baisé la main.

L’autre jour, je trouve Alexandre occupé du Faust. — Est-ce que tu médites d’écrire un commentaire ? lui dis-je.

— Non, je traduis.

— Voyons ! — Je pris un feuillet. — En dialecte petit-russien et en prose ! Aurais-tu l’intention de faire imprimer cela ?

— Dieu m’en garde ! C’est pour Marcella.

— Ah çà ! C’est donc sérieux ? Tu es persuadé qu’elle profitera de ton enseignement ?