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— C’est bien, répondit-elle, mets-le par terre ; mais où sont les petits ?

Ève déposa par terre le bébé qu’elle tenait sur ses bras, et qui pouvait avoir dix-huit mois, puis elle alla chercher les deux autres, âgés de deux à quatre ans, et leur mit à chacun sa cuiller de bois dans la main.

Et voilà les trois marmots attablés autour de leur écuelle, trempant leurs cuillers dans le lait et l’aspirant bruyamment. Le soleil plaquait sur le plancher de petits carrés d’or ; sur le rebord du poêle dormait le chat ; les hirondelles qui nichaient sous le plafond allaient et venaient par la porte restée ouverte, et avec de petits cris donnaient la becquée à leur progéniture affamée et avide.

Le bruit que faisaient les trois bébés avait été entendu ; tout à coup on vit sortir de dessous le poêle une petite couleuvre qui se pressa tellement pour atteindre la gamelle qu’une seconde couleuvre, qui l’accompagnait, pouvait à peine la suivre. Je me levai, croyant les enfants menacés d’un danger.

— Ne faites pas attention, monsieur, dit la vieille nourrice, ce sont nos serpents familiers ; ils ont leur nid sous le poêle, et on les voit accourir dès qu’ils entendent le bruit des cuillers. Ils mangent avec les bambins, et souvent l’un ou l’autre couche dans le berceau du plus petit.

— La couleuvre est une bête innocente, ajouta le comte, d’un bon naturel et sans défiance, l’amie